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Où est le cool ?
Expo Nightclubbing : 30 ans de nuit, du Palace à la Wet For Me
05/02/16 14h59
Du 9 au 21 février, l’
Alisa Gallery présente « Nightclubbing ». Une exposition photo collective qui nous montre trente ans de fêtes débridées à Londres et Paris, des Bains Douches à la Wet For Me. A cette occasion nous avons demandé à quatre photographes de nous raconter leurs soirées.
Que se passe-t-il la nuit dans les clubs ? Sept photographes ont exploré ce milieu interlope depuis les fêtes mythiques du Palace et des
Bains Douches dans les années 80, jusqu’au soirées queers des années 2000, les
Flash cocotte,
Wet For Me, etc. Leurs photos, rassemblées pour l’exposition
Nightclubbing, ont en commun de montrer « des corps en mouvement, des jeunes gens avides de s’amuser, conscients de leur insolente beauté »,rapporte l’Alisa Gallery dans le communiqué de l’expo. Elles sont surtout un témoignage passionnant des looks, codes, subcultures, ambiances qui traversent notre société. Pour en savoir plus, nous avons demandé à quatre photographes de nous raconter les soirées qu’ils ont shootées.
Les années 80, l’âge d’or de la fête
Jean-Luc Buro a fréquenté et immortalisé les nuits parisiennes des années 80. Il décrit cette période comme une sorte d’âge d’or de la fête. Un temps où le »Sida n’avait pas encore fait ses ravages »et où, du fait du boom de la finances, »le fric coulait à flot ». »On pouvait enchaîner trois-quatre soirées dans la nuit »,se souvient-il. Des soirées »folles »dans des clubs comme Le Palace, Les Bains Douches, qui brassaient punks et bourgeois, hétéros et homos. »Il y a avait également des tas de soirées déguisées où les gens se travestissaient. »
Comme à Londres, où »la contre-culture est beaucoup plus importante », on pouvait croiser et accéder sans difficultés aux artistes : Etienne Daho, Téléphone, les Rita Mitsouko… Les groupes de rocks se joignaient aux fêtards après leur concert. Et « Gérard Garouste qui avait fait la décor du Palace était là tous les soirs », raconte le photographe. Selon lui, les fêtes sont autant débridées aujourd’hui, à la différence qu’elles servent principalement à « oublier les perspectives politiques et écologiques catastrophiques ».
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Les lesbiennes se lâchent aux soirées Wet For Me et Club Jolène
Marie Rouge est la photographe officielle des soirées lesbiennes Wet For Me depuis 2012. Ça tombe bien, depuis sa Normandie natale, la jeune femme rêvait d’y participer. Qu’ont-elles de si attirant ? En plus de « réunir des artistes pointus, comme
Little Simz,
Peaches,
J-D Samson« , l’organisation, pilotée par l’association Barbi(e)turix, veille à ce que l’endroit soit « safe ». Autrement dit, que « personne ne se sente jugé » et « qu’il n’y ait pas de mecs relous qui viennent draguer les filles ». Du coup, « elle se lâchent plus qu’ailleurs, dansent topless devant tout le monde, jusqu’à la transe ». Une attitude que Marie aime saisir, parce qu’elle tranche avec « l’apparence guindée » que les filles peuvent présenter au quotidien.
Ce côté « safe » revient aussi dans la bouche de
Holly Falconer, qui, elle, photographie les nuits lesbiennes londoniennes. Notamment celle du Club Jolene, dont elle est »tombée amoureuse »en raison de »ses murs bleus flashy, son sol à carreaux, ses télés eighties parsemées ici et là et ses traditionnels lâchés de ballons ». Là-bas, les gens se sentent suffisamment en confiance pour »être eux-mêmes », et s’habiller comme ils l’entendent : »Certaines femmes peuvent afficher une tenue androgyne, ou simplement sportwear avec les cheveux taillés au rasoir. Il y a celles aussi qui adoptent le look vintage hollywoodien, ou celui de Frida Khalo. »
Marie Rouge a également remarqué cette diversité à Paris. C’est pourquoi elle fait beaucoup de portraits, dans »une démarche politique » : « Je veux montrer que ses soirées réunissent non pas un mais plusieurs profils de lesbienne : androgynes ou hyper féminine, banlieusardes ou résidentes des quartiers chics, style avant-gardiste ou classique. »
Le mauvais goût assumé des Flash cocotte
Hannibal Volkoff a promené son objectif dans les soirées Flash cocotte, au
Rouge Pigalle ou à l’espace Pierre-Cardin, et s’est particulièrement focalisé sur les jeunes, parce qu’ils le surprennent davantage que »les adultes »: « A l’âge où ils devraient rentrer dans le monde policé des études ou du travail, ils décident de se marginaliser à travers les looks les plus improbables voire inconfortables : Gothico-glam, seapunks, néo-kitch, queer-street, néo-dandysme… » Selon lui, »le mauvais goût est revendiqué », comme un pied de nez »aux normes de classe », »un refus de la société qu’on leur offre ».
Dans ces soirées, régnait, quand il les fréquentait il y a quelques années, un état d’esprit débridé et dionysiaque : « Tout le monde se droguait, on baisait en plein milieu de la piste de danse. Au bout d’un moment, les vigiles se disaient « on laisse tomber ». Je me souviens d’un ex qui avait un rail de coke sur chaque ongle, et qui invitait tout le monde à se servir. Il y avait aussi des trans à poil, des gens qui urinaient en plein milieu de la salle… »Le photographe en parle au passé, parce que, selon lui, même si les Flash cocotte existent toujours, « on n’y retrouve plus cet état d’esprit ».
Il estime que la nuit actuelle se dirige vers « une normalisation, dans un but de plaisir purement personnel, là où quelques années auparavant, il y avait une volonté de création collective ». La raison de cet essoufflement serait selon lui »socio-économique »: » Je crois qu’on a assisté à ce que l’on peut appeler une décadence , ce moment d’exubérance qui précède une violente crise. Je pense par exemple aux excentricités de la cour avant la Révolution Française, ou aux Années Folles avant la Grande Dépression, comme si l’on se disait : « c’est le moment ou jamais, soyons les plus fous possible « . »